mercredi 5 mars 2008

Le Mai de Lyon.

Un témoignage très intéressant de René Chevailler, sur ces autres évennements de ce mois de Mai.

Avec le Mai 68 de Lyon, le masque apolitique - façon Louis Pradel - tomba.
Le 1er mai, le 2, le 13 mai enfin, grandes manifestations dans les rues. 60 000 personnes défilent calmement dans la ville, de la Bourse du Travail à l’Hôtel de ville, place des Terreaux. 250 000 salariés sont en grève dans le département.
Le 18 mai, la lutte s’amplifie : 50 000 travailleurs occupent leurs usines. Un anagramme célèbre voit le jour : Berliet = Liberté.
Le 20 mai, toutes les entreprises de plus de 500 salariés ont stoppé le travail. La grève n’est jamais un amusement : il y a les enfants, la famille, … Sur une proposition des élus communistes au Conseil général - proposition soutenue par la FGDS (Fédération de la gauche démocrate et socialiste) -, il est décidé le déblocage d’un fonds de 100 millions de centimes pour les familles des grévistes. Le maire de Lyon a bien tenté une diversion, soutenu par le président du Conseil général, Benoît Carteron, mais l’astuce de la question de confiance, posée par le préfet, échoue. La proposition est adoptée.
La force populaire tranquille s’exprime plus fortement : 150 entreprises de la métallurgie, 37 de la chimie, 107 chantiers et entreprises du bâtiment sont dans la lutte. Les travailleurs occupent les lieux de travail sur lesquels seront hissés des drapeaux rouges et tricolores.
L’essence commence à manquer. Il faut organiser la distribution prioritaire. Les syndicats apportent leur contribution. Un appel est lancé en faveur du père Damien, l’opéré du cœur : le comité de grève de Rhône-Poulenc décide de travailler pour permettre l’activité du laboratoire médical de l’usine spécialisée dans la stérilisation des vêtements nécessaires aux professeurs et techniciens de l’hôpital Broussais.
Les enseignants et le personnel municipal des écoles de Lyon sont en grève, ils accueillent les enfants des grévistes.
Louis Pradel est resté muet longtemps. Il ne reconnaît plus « ses p’tits gars », les travailleurs. Lorsque le Conseil municipal, ne pouvant faire autrement, vote un fonds, ce sera charitable : 5 000 francs, et encore sous le contrôle du Bureau d’aide sociale !
Puis, c’est la trop fameuse nuit des Cordeliers. Manifestation gauchiste donnant prise aux provocations de tous bords, sans la participation des travailleurs et de leurs organisations : 200 arrestations et surtout un geste gratuit et totalement condamnable qui entraîne la mort du commissaire Lacroix. Ce sera l’enchaînement, la peur érigée en arme politique par le pouvoir. Le prétexte à la réaction de la droite.
31 mai : de Gaulle contre-attaque. Sans doute est-il entendu par une partie de la population. Mais, à Lyon, une manifestation vaut son « pesant de grattons » : droite des CDR, du SAC, patrons, dames patronnesses, banquiers, PDG, faune de l’immobilier et gros propriétaires lyonnais, députés UDR Caille, Charret, Joxe et les autres… et un Louis Pradel agitant, au passage de ce défilé inhabituel, un petit drapeau tricolore. « Non à la chienlit ! », « Liberté du travail ! » crient-ils…
Quelques jours plus tard, Jacques Duclos, à la Bourse du Travail - devant une salle explosive, chaleureuse -, prend la parole pour la présentation des candidats aux élections législatives qui allaient suivre. À la tribune : Michèle Sarrola, l’ouvrière de la « Gaine Scandale » à la Croix-Rousse, jambes et bassin brisés par l’automobile patronale utilisée comme un char d’assaut contre les ouvrières en grève, devant la porte de l’usine. Elle n’était pas communiste. Elle décida de le devenir.
Et ce fut le cortège inoubliable des 1 000 facteurs de la Recette principale, place Antonin-Poncet, à proximité de la place Bellecour. Drapeaux rouges et tricolores mêlés, au chant de La Marseillaise et de L’Internationale, ils reprennent le travail.
Ces soixante jours d’histoire ne s’effacent pas avec la victoire électorale de la « peur ».
20 000 adhérents supplémentaires et 300 sections syndicales ou syndicats créés à la CGT, dans le département.
900 nouveaux communistes en deux mois, dont 41 % de moins de 25 ans.

Aujourd’hui, les militants communistes sont restés fidèles à l’esprit de mai 68 !

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