mardi 9 octobre 2007

Au revoir Jean


Jean,
Vincent, tu as été un homme digne, toute ta vie fut digne.

Digne, car d’une grande exigence envers toi-même, d’une honnêteté profonde, d’une rare intégrité, d’une fidélité constante à tes idées, menant en tous lieux, en architecture, en peinture, en politique, le même combat pugnace et courageux.

Tu as été un homme fiable, de parole, faisant toujours ce que tu promettais. Tu possédais en toi une force étrange, insoupçonnée de la plupart des gens et que tu transmettais naturellement à ceux que tu aimais.

Tu avais ainsi acquis la confiance, l’autorité morale. Avec ce sens de l’écoute des autres, le secret des confidences que l’on savait bien gardées, ont fait de toi celui que tous allait voir dans leur moment difficile.

Mais aussi et surtout, d’une fidélité touchante en amitiés. Tu aimais accueillir chez toi tes amis. Qui ne se souvient pas de ces gros couscous, préparés par la maman d’Hélène, à la Duchère, ou jusque tard dans la nuit, nous aimions tant « chacher », combien de fois n’avons nous refait le monde.

Voila que s’achèvent nos conversations, débutées sur les bancs du lycée Ampère, poursuivies à la Duch le matin des dimanches quand tu m’apportais l’Humanité, au caveau, à la passerelle, chez Beaufiston.

Et pourtant, nous n’avions pas fini de nous parler d’amour, d’amitié, de politique.
Et surtout de sciences et de math, de ces nombres premiers, des nombres réels ou irrationnels. Quelle fascination avions-nous pour Evariste Gallois, écrivant en une nuit la théorie des intégrales abéliennes et mourant au matin dans un duel.
Et quel esthète aussi en sciences, ne retenant des nombres imaginaires, que l’audace créatrice du carré négatif, i²= - 1.

Tu étais le promeneur de Lyon, celui de la presqu'ile que tu peuplais de ta silhouette, toute de velours noir vêtue. Mais toujours avec une chemise blanche.
Combien de pantalons noirs possédais-tu donc ? Pour ta veste, c’était plus problématique, car tu ne trouvais plus ce velours si particulier à petites cotes.
Je me souviens de toi dans un square, en hiver, courant après tes petits enfants que tu n’attrapais pas, bien sûr, couvert d’un manteau évidemment noir, au col relevé, ne laissant voir que ta belle chevelure blonde.

Mais tu avais aussi tes petites manies. Il parait que chaque matin, arrivant à l’atelier, tu disais ta phrase fétiche « Dieu merci, les choses ne sont pas prêtes de s’arranger ». Ce qui ne relevait pas d’un optimisme délirant.
Autre manie que l’on m’a rapportée, de téléphoner chaque jour à Hélène, à 10h45, pour savoir si tu devais acheter le pain. Pourquoi toujours à 10h45 ?

Nonchalant, tu arrêtais parfois ta promenade à la terrasse d'un bistrot pour y savourer un demi. Ou pour rejoindre les potes lors de ces apéros qui n’en finissaient pas.

Cependant toujours un peu à l’écart, souvent seul au bout du bar.
Avec les autres, mais seul. Un solitaire, contemplatif, mais jamais distant.
Car, si l'on passait, tu nous accueillais de ton sourire inimitable, tout à la fois désabusé et empreint d'une douceur et d'une sympathie fortifiantes. Tu nous écoutais parler, et si tu ne répondais que peu de choses, toi le pudique, ce que tu disais était lourd de sens ; et ton regard sous-entendait le souhait que nos espoirs se réalisent.

Je ne te verrai donc plus penché sur le journal à faire des mots croisés ou résoudre des Sudokus.
Hélène, sans toi, Jean n’aurait jamais été Vincent.
Pascal, Jérôme, votre père vous a tendrement aimé. Quelle fierté il avait de vous. Il était fréquent, au cours nos conversations, que vous soyez présents.

Jean, tu étais l'ami que tous aimaient rencontrer, le promeneur que nous ne rencontrerons plus dans les rues, ni sur les quais.
Mais parce que tu es notre promeneur, tu continueras longtemps, longtemps, ta balade dans nos cœurs et dans nos têtes.
Salut, Jean ! A plus, Vincent
{Alphonse}

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